La tigresse de Barbès
(Une envie de mettre ici de (très) vieux textes... )
Elle a, comment dire, elle a... Elle a une pupille de fer sous une paupière de velours, une peau de pêche sous son cuir moulant, un p'tit cul d'hôtesse de l'air et la capacité pulmonaire de Lara Croft. Bref, elle a quelque chose que les autres n'ont pas, et si la mistinguette ramène sa biscotte, je te parie ma paye que même toi, petit blasé à l'oeil goguenard, tu n'y résisteras pas.
Et moi, vieux de la vieille et pas frais de la veille, elle m'a choisi.
Pourtant, j'ai essayé de résister. Parce que, moi, j'en ai vécu, des aventures, comme on dit dans le beau monde, j'en ai bouffé de la chatte, comme on dit dans le vrai monde, bref, mon coeur de pauvre idiot a été pris, éprouvé et jeté plusieurs fois (et pas des moindres).
Mais ma tigresse, c'est pas pareil... elle est terriblement femme voire terriblement homme, surtout quand elle me prend au bras de fer, et qu'elle m'attache aux barreaux, me coince sous ses membres échauffés et moëlleux.
Elle est pathétiquement merveilleuse, et quand elle n'est pas là, c'est pas pareil dans mon coeur de moineau. Elle me manque, et ça, mecton, c'est avoir des couillesque de l'avouer à un ptit con comme toi, qu'a certainement jamais baissé son froc devant autre chose que la cuvette des chiottes et qui ignore que l'Amour, quand ça vous tient, ça vous change un homme.
Bref, revenons-en à notre animale.
Le truc qui me retourne le cerveau, c'est qu'elle m'exaspère... Elle m'exaspère, car elle est affreusement sûre d'elle, persuadée qu'elle est d'être quelqu'un d'exceptionnel. Et ça, tu vois, pour un humble mâle dominant comme moi, c'est insupportable. D'autant qu'elle est butée comme pas deux et qu'elle ne montre jamais ailleurs qu'au pieu un quelconque attachement pour moi. C'est dur. Vu mon genre, tu vois, j'ai plutôt l'habitude que les minettes se mettent à genoux pour un de mes regards ou une de mes caresses. C'est quand elle veut, jamais autrement, et elle ne me remarque pas. Elle est là, son regard passe à travers, et quoique je dise ou fasse, elle reste de marbre. Elle se préfère, en somme. Elle préfère déguster l'ébullition et l'émulation masculines qu'elle suscite. Elle est fière, la tigresse. Et comment lui reprocher, que veux tu...
Dans tout Barbès, quand elle passe, les gars se tordent le cou à suivre son chaloupement, et t'entendrais presque les caleçons frétiller pour peu que t'aies l'oreille bien fine. Bien sûr, les gars du coin sont du genre à siffler la passante. Mais, vois-tu, quand c'est son derrière qui passe, en déhanché sulfureux et affolant, il n'y a plus un bruit dans la place.
Et ça, mon couillon, ça relève du mythe.