8 janvier 2009

Ô rage, ô désespoir, ô vaisselle ennemie


L'inventeur de la vaisselle mériterait mon éponge dans la figure. Je n'ai pas pour habitude de prêcher la violence, mon pacifisme est d'ailleurs unanimement reconnu par la confrérie des araignées, mais comme dirait Georges Clooney "trop, c'est trop". Si la personne qui a imaginé cette activité - jamais établie discipline olympique, c'est tout dire - lit ces lignes, alors qu'elle ait le courage de les affronter, qu'elle les lise jusqu'au bout, oui ! pour prendre la mesure de la torture qu'elle inflige au quotidien de tout un chacun, déjà laminé par un dur labeur et une cuite de la veille. Illustration par la preuve : ce soir, je regagne mon foyer, émue par la douceur et la chaleur que tout un chacun retrouve dans son foyer quand soudain, je la vois. Tapie dans l'ombre, elle n'attendait que la lumière pour éclater au grand jour. Elle est là, elle gît et pourtant une grande force émane de sa présence. Je sais déjà qu'elle me vaincra. Pas un bruit, pas un cri, pas même un soupir. Elle ne dit rien, elle ne fait rien, elle est LA. Ne vous fiez pas à son air inerte et inoffensif : son arme est ailleurs. Déjà, le foyer me paraît moins rassurant, en quelques secondes les perspectives qui s'offrent à moi me rattrapent et me donnent envie de fuir, peut-être même de retourner au travail, cet autre foyer dont la chaleur est également prouvée (le système de chauffage y est excellent) et où l'ennemi n'a pas lieu d'apparaître. Car la vaisselle n'existe pas, au travail, c'est un îlot préservé : pourquoi croyez-vous que les gens vont bosser, le matin... Triste vérité.
S'ensuit une longue phase d'évitement, stratégie hautement testée mais malheureusement éprouvée. ELLE vaincra, vous CAPITULEREZ. Inutile d'agiter le torchon blanc, aucun dialogue n'est possible. Et pourtant, je tente tout de même le coup. Astuce d'évitement numéro 1 : "tiens, mais reste donc dîner avec nous", toi qui passais pour 5 minutes, cela repoussera d'autant l'inévitable affrontement... Tes récits, autant de bouées de sauvetage qui me font oublier, l'espace de quelques secondes, l'effroyable issue de cette journée. Mais... tu t'en vas. La porte se ferme et je la REvois. Terrible face à face. Je l'envisage. Je la jauge. Elle pèse son poids. Elle est numériquement largement supérieure. Découragement.
Je sors alors le joker : la refourguer à l'homme. La mauvaise foi employée à cet instant critique peut atteindre des sommets qui me fileraient le vertige.
La joute argumentaire s'engage :
"dis... par hasard... tu veux bien faire la vaisselle ?"
"..." (traduction : regard de biais signifiant hors-de-question-c'est-ton-tour articulé très lentement)
"mais j'ai eu une journée difficile"
"...... - bis"
"promis si tu la fais ce soir je ferai celle de demain"
"on n'est pas là, demain" (merde, il s'en souvient)
"mais toi t'as toujours les plus petites vaisselles, moi j'en ai toujours trois tonnes"
"c'est faux" (merde, il sait)
"oui mais toi tu la fais plus vite"
"c'est toujours faux" (putain, il sait TOUT !)
"si tu la fais je serai trèèèès gentille, t'auras même un massage"
"tu m'en dois déjà 28" (merde, il s'en souvient - bis).
Je tente le tout pour le tout : "Naaaaan, ne me laisse pas, seule, face à ELLE, je PEUX pas, j'ai PAS le courage, en plus j'avais PLEIN d'autres trucs à faire absolument"
"tu ne m'apitoieras pas, femme".
Ach... De guerre lasse, je baisse l'échine, courbe le dos, me saisis de l'éponge que je hais, du liquide vaisselle que je sur-hais et de la première assiette que je sur-sur-hais. Ma haine est telle qu'elle m'aveugle, je risque de laisser des tâches mais... tant pis. A ce stade, que voulez-vous, l'honneur n'existe plus.

Et ce qui m'étonnera toujours, je dis bien TOUJOURS (forever, pour mes lecteurs étrangers) c'est qu'après 10 ans de pratique intensive de ce sport, je suis toujours infoutue de ne pas m'arroser avec les cuillères. Je voudrais leur donner cette inclinaison dans le but de m'arroser volontairement que je ne pourrais pas. C'est plus fort que moi, c'est... la vaisselle.
Car je ne connais pas ce sentiment de plénitude, cette sensation d'une tâche bien accomplie dont parlent certains. Non. Je suis fourbue, j'ai les mains qui puent le liquide vaisselle senteur stupide, j'ai les petites rides de baignade prolongée sur les doigts, j'ai mal au dos. Car non, je n'ai pas les gants magiques pour faire la vaisselle, et oui, le lavabo est trop bas. Je suis mal armée. Ce combat n'est pas pour moi.
Et, à chaque fois, mon amour de la vie en sort amenuisé.

Heureusement, il me reste la lessive.

5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Il est décidément très fort cet Homme... On verra s'il fera autant le malin dimanche !

Et la photo, ce ne serait pas les Intondables ?

11:01 AM  
Blogger cml said...

> On va le mater, je ne dis que ça ! Et pour la photo, c'était à Lisbonne, ahhh, Lisbonne...

1:41 PM  
Anonymous Anonyme said...

Alors les cuillers (oui je l'écris commme ça parce que j'aime bien), j'ai le truc : il faut les prendre systématiquement le manche vers soi et ce dans un angle perpendiculaire au mur, le côté creux face tourné vers le plafond. Attention, ne jamais en prendre plusieurs d'un coup pour gagner du temps : c'est l'arrosage assuré.
Moi, mon plus gros problème reste celui des couvercles : j'arrive toujours à m'en mettre plein de tablier... Et putain, j'aime pas essuyer les casseroles en métal !

11:25 PM  
Anonymous Anonyme said...

Heureusement, tu as un tablier...

4:55 PM  
Anonymous Anonyme said...

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2:05 PM  

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