29 mars 2009

Des plans sur la gommette


C'est amusant, la banalité. Tenez, tout à l'heure, j'étais en train de repasser ma chemise pendant que l'homme dessinait des plans pour fabriquer une mezzanine, et on sifflotait ensemble un morceau qui passait par là. Je ne sais pas pourquoi, j'ai soudain eu l'impression de vivre dans Boule & Bill. Je me demande ce que nous réserve la prochaine case...
À part ça, je vieillis, chers lecteurs, preuve en est le temps que j'ai passé hier à compter mes cheveux blancs. Comme mes collègues m'ont plaisamment fait remarquer que j'avais quelques brins cotonneux dans ma chevelure de charbon, j'ai dû faire face à la réalité, qui se tenait dans le miroir de la salle de bain. J'ai voulu les retirer, mais l'homme a dit que si je m'y employais, je serai bientôt chauve. Je ne sais pas pourquoi, j'ai soudain eu l'impression de vivre dans ma vie, je me demande ce que me réserve la prochaine décennie. Une certitude : elle inclut des frais de teinture. Ce sera l'occasion de tenter le blond, ne nous plaignons pas, encore une possibilité incroyable qui se jette à mes pieds. Vive l'avenir, je ne vous dis que ça.
J'en discutais l'autre soir avec un de mes bons amis (blond, donc inaccessible aux affres du cheveu blanchissant) : la certitude de vieillir se manifeste d'une nouvelle façon. Jusque peu, mon passé était linéaire à mes yeux, une seule et même personne faite de souvenirs s'accumulant tranquillement, tous "à portée de main" du quotidien, facilement connectés, rapidement convoqués, rassemblés en un tout formant une suite d'enchaînements plus ou moins logiques mais, en tout cas, à peu près "contrôlés". Pour prendre une image, je voyais cela comme j'observe la lente gestation de la Guinness, lorsque les bulles compactes remontent peu à peu, en strates étonnantes. Bref.
Or, je fais l'expérience ces derniers temps d'une vie à tiroirs. Certains sont rangés dans le fond du fond de l'armoire (vous admirerez la belle image que voilà), et lorsqu'un élément les ramène au premier plan, c'est alors un pan entier qui surgit, totalement absent de mon esprit depuis parfois... longtemps. Les facebook et autres n'y sont pas pour rien, faisant ressurgir des personnes, des souvenirs, des moments entiers de vie totalement oubliés, éclipsés, triés, voire balancés. Soit, lorsque l'on a 10, 15 ou 18 ans, on a bien évidemment moins de souvenirs (et sans doute meilleure mémoire) qu'à 25, 30... C'est une donnée simple et dont on a conscience. Mais, c'est une chose de s'en douter, une autre de le ressentir. À tel point que me voilà aujourd'hui en possession de très nombreux éléments qui me portent à douter que ces souvenirs, ces tranches de vie, sont ceux qui composent la même personne. Étrange. Bien sûr, on change, on évolue, et justement nos expériences et le souvenir que nous en tirons nous amènent vers cela. Banal, évidemment, mais c'est une chose bien étonnante que de l'expérimenter concrètement. D'autant que, dans les yeux de nos géniteurs, nous restons toujours les mêmes, dans les petites cases formées lors des jeunes années. Et aux yeux de toutes les personnes que nous ne voyons plus, que nous ne verrons plus, nous représentons également une personnalité qui nous serait aujourd'hui totalement étrangère, voire désagréable. De la même façon qu'eux sont une partie figée de ce décor immuable, tapis au fond.
Alors, à quoi servent les souvenirs ?

À devenir sage, sans doute... Comme les cheveux blancs.

Bon puis c'est pas le tout hein, la prochaine fois je rameute de bonnes blagues et un tas de gaudrioles, hop hop hop. Peut-être même que la prochaine fois j'écrirai depuis la mezzanine, soit à 90 cm exactement sous le plafond et à 1m56 partant du sol. C'est que, les plans sur la gommette, ça me connaît. D'ailleurs en parlant de gommette, il est probable que l'été se passe au Québec : retour à mes anciennes amours, à nous les écureuil, les baleines, les ours, les ratons laveurs, le lac du Saguenay et Montréal la merveilleuse ! Alors bien sûr, pour s'y rendre il faut prendre l'avion, et là j'ai beau convoquer mes souvenirs pour me faire sagesse, en avion, j'ai peur de tomber. En même temps, j'ai tout le temps peur. Par exemple, j'ai peur que la mezzanine s'écroule, ou bien le plafond sur la mezzanine, ou encore le sol sous la mezzanine.
Gommette, vous disais-je.

Allez, happy end pour la peine :
"L'amour, ce n'est jamais tout à fait à vous qu'il s'adresse, l'amitié est précaire comme la vie : mais la haine ne rate pas son homme et elle est sûre comme la mort".

On ne râle pas, c'est du Simone.

1 mars 2009

Campanique


Repérer, traquer, une à une, les choses qui mangent votre énergie vainement, sans contrepartie. Les disséquer, leur tordre le cou et prendre vos jambes au votre, de cou. En me baladant pour arriver ici, quelques mots d'une "news" aguichante résumant le propos d'une étude selon laquelle plus les semaines sont longues et harassantes, plus l'on devient bête. Petite goutte en plus sur la vitre pluvieuse du moral du dimanche soir. Je n'aime pas me sentir triste sans en connaître la raison. D'autant que cette semaine fût riche en moments sympathiques, ce qui ajoute à ma perplexité face à l'état de fait : morose je suis, sous la couverture orange sur le canapé rouge.
J'ai pourtant vécu un moment campanique, méritant d'être mentionné pour la beauté du néologisme et pour le rire franc et entier qu'il a suscité parmi les trois compagnons d'automobile que nous étions l'espace de quelques heures, en route vers Gournay-en-Bray. La découverte de la poésie des films de Kitano, également. S'il est une chose que j'aime dans le fait que les autres existent, c'est quand ces autres ont le don de vous emmener vers leurs amours. Au plaisir de les découvrir s'ajoute celui de les avoir connues par eux. Dans ces moments-là, j'aime ne rien savoir, être guidée vers, en toute simplicité, de celle qui créent les beaux partages.
Cette fin de journée me laisse un goût d'échec. Elle n'en a pourtant compté aucun, enfin, si l'on accepte le fait que de n'avoir eu ni le courage d'aller nager ni celui de faire la lessive ne puisse s'apparenter à la notion d'échec. Et mat, bien entendu.
Non, c'est un goût plus lancinant, un goût de planning non respecté, un goût d'envies non réalisées, un goût de désirs insaisissables qui flottent alentour. Qui me fait dire qu'il faut cesser d'avoir peur de tout, et surtout de rien, en particulier de son ombre. Qui m'envoie vers des lendemains qui sifflotent mais que je n'atteindrais certainement pas le cul vissé sur le canapé rouge sous la couverture orange. Il faut que je réapprenne à rêver. J'ai lu ce week-end une rédaction du petit frère, d'un bon sens désarmant "il marcha plusieurs heures dans le désert vers le pays magique puis il eut soif. alors il s'aperçut qu'il n'avait plus d'eau dans sa gourde". ça m'a donné envie d'avoir 11 ans.

Perle du soir :
- rho j'ai la flemme de me faire à manger pour moi toute seule. nan mais parfois je me demande comment je ferais, sans corps, je ne me rendrais même pas compte que j'ai faim.
- c'est fort probable, oui.