15 février 2009

Castoramor


Hier soir, Simone était là. Et j'étais drôlement contente, parce que Simone me manquait beaucoup ces derniers jours. Cette fois en plus, elle était là avec sa voix, son visage, ses mouvements, tout ça sur l'écran et j'étais émue. Le son, années 70, était mauvais. Elle parle très vite, trop vite, d'une voix un peu nasillarde. Et elle sourit, elle s'amuse des questions qu'elle pose à Jean-Paul entre trois cigarettes, elle le titille et ça les fait rire. Je l'imaginais avec une voix de clopeuse invétérée, sombre, grave, rocailleuse, lente, cherchant le mot juste. Or, c'est un flot rapide, brusque, comme une échappée belle de phrases courtes. C'était un complément d'aperçu, qui faussait l'idée que je m'étais faite d'elle au long des quelques milliers de pages où je la suivais des yeux. Ces cinq tomes de mémoires, lus d'une traite, l'un entraînant l'autre jusqu'à la dernière page. Où j'ai eu un goût de pas assez, un ressenti de finitude non désirée. J'en voulais encore, j'en veux encore d'ailleurs, mais ce seront d'autres livres, d'autres idées, ce ne sera plus sa vie à elle, ses humeurs, ses sentiments, sa vision des choses. Voilà une lecture qui ravigore, qui rafraîchit dans ma mémoire une histoire pas si lointaine, mais que mon âge ne me permet pas d'avoir vécue. Un éclairage nouveau, en somme. Voilà des pages que j'ai pris un immense plaisir à lire, et quand je dis que Simone me manque, je suis à peine dans l'excès. J'ai aimé connaître son histoire, particulière, découvrir à travers sa vision l'histoire de la France des années 40, celle de la France de la guerre d'Algérie, celle de la France de Mai 68. Et surtout, découvrir à travers ces pans de l'histoire, sa vision. J'aime l'entendre vouvoyer Jean-Paul, j'aime ses recherches et écrits pour les femmes, j'aime ses indignations, son sentiment de solitude, j'aime ses mots. J'aime qu'elle raconte ses écrits, ceux de son compagnon. J'aime voyager à ses côtés : Rome, URSS, États-Unis, Chine... J'ai aimé lire cette existence, la voir se dérouler sous mes yeux, au chaud dans mon lit, comprendre et réaliser : toute une vie fondée autour de ses passions, de ses conceptions, amoureuse de la pensée, de la réflexion, aux aguets des mouvements, de l'écriture des autres, des vies des autres.

C'est un dimanche agréable. Soleil, tarte aux pommes, musique, balade dans les Buttes avec l'amie. Un dimanche comme on en voudrait des tas. Qui se terminera doucement, qui se terminera bien, car demain c'est congé. Et on apprécie d'autant mieux le dimanche lorsqu'on a la certitude d'en avoir un deuxième... dès le lendemain.

- Mais il ne comprend rien, je lui donne des items et il fait n'importe quoi.
- Ah bin écoute, c'est très clair hein, item ou tu le quittes !


Fichtre, je crois que j'ai fait cramer la tarte. Rha.

7 février 2009

Sapristi


Je me demandais l'autre matin, quand la boulangère m'a engueulée parce que je n'avais pas 2,36 euros exactement, quand le cycliste sur le trottoir hurlait sur les piétons pour qu'ils le laissent passer, quand l'ado m'a traitée de grosse connasse (pardon de la grossièreté, elle n'est pas de moi) puisque je n'avais plus de cigarette à lui donner, bref un matin comme les autres en somme, et donc, plongée tout entière dans ce contexte, je me demandais si les gens étaient heureux. Globalement. Enfin, pas heureux-heureux réjouis tout guillerets singing in the rain, mais heureux passable, heureux tranquillement, heureux sans bruit. Je n'ai pas trouvé la réponse. C'est malheureux.

En même temps, quand on y pense, le bonheur, hein... Déjà, c'est sans garantie, aucun remboursement en cas de défaillance. Trop risqué pour investir, donc. Et puis ça demande du travail : ça s'entretient, ça s'astique, ça se fait briller, reluire. Et du travail, chacun en a déjà bien assez. Puis, à y regarder de plus près les gens heureux sont ennuyeux, trop désinvoltes pour tenir une conversation, ils sourient bêtement, et en plus ils sentent mauvais. Vous avez déjà passé une soirée entouré de gens heureux, vous ? C'est d'un pénible ! C'est d'un fade ! C'est à peu près aussi intéressant que de regarder cuire un navet. Alors qu'avec un panel de malheureux, c'est l'aventure assurée ! Toujours un aigri avec qui s'engueuler, toujours un désespéré à plaindre, comme on s'amuse, comme on se sent vivre ! D'ailleurs, la force créatrice et l'inspiration des gens tristes forcent le respect, leurs mésaventures sont sources de franches rigolades. ça tient chaud, le désespoir, ça occupe, ça a du sens interdit. Et puis le malheur, c'est bon pour le système, j'en suis à peu près certaine. Une personne engoncée dans ses problèmes ne sentira pas le climat se réchauffer, ne fera pas la différence entre une possibilité d'avenir radieux et une certitude de futur désastreux, parce qu'au fond, c'est le cadet de ses soucis. Bien plus pratique, dans la plupart des cas.

Mais alors, vous croyez qu'ils organisent la tristesse et l'abattement des foules ? Un logiciel de mauvaises nouvelles derrière tout ça ? Sapristi, quelle bonne blague ! Alors, si les piétons sont malheureux, c'est la faute aux gouverneux. Tant mieux, et merci. Parce que du coup, qu'est-ce qu'on rigole ! Ils pensent à tout ces gens, c'est drôlement confortable.


Dialogue en boîte
- Rha punaise, je bosse sur tel bidule, qu'est-ce que c'est chiant.
- Bin moi je suis sur tel truc, pas terrible non plus.
- Ah vous aussi vous en bavez, ça me rassure.
- Mais... Ils sont où, les dossiers intéressants ?
- Chez les concurrents.