25 avril 2006

La pièce


Ils habitent là depuis plus de vingt ans. Après une quinzaine d'années, ils ont pu acheter le petit appartement collé au petit qui leur appartenait déjà, fait de brics et de brocs, de mezzanines et de placards collés au plafond. Mélange de bricolages et de service en argent, l'épouse descend d'une grande famille, elle a renié ses origines mais a conservé les bijoux. L'époux décide soudain de refaire leur chambre, c'est une sorte de sursaut que l'on observe souvent chez les couples dont les enfants ont quitté le nid, les laissant seuls dans un endroit jusqu'alors plus que vivant. Il s'est donc armé de décolleuses de papiers peints, de ponçeuses et autres attributs Kiloutouesques du bricoleur dominical. Sous les cinq couches de papiers divers, sous les tapisseries vieillies, une fêlure distincte semble dessiner les contours d'une cheminée. Il tapote. Miracle, ça sonne creux. Il se dit "mazette, voilà où je vais les installer, mes étagères !". Tout à son bonheur, il fait tomber la paroi, et part se rancarder au rayon planches et chignoles de Casto. Au moment de poser les étagères, quelle ne fût pas sa surprise quand il constate que le mur sonne - encore ! - creux. Il y a donc un vide et, par conséquent, un derrière. Un derrière qui n'est pas le dehors. Un derrière qui n'est pas non plus chez les voisins, pour la simple et bonne raison que de voisins il n'y a point, l'immeuble s'arrêtant là où l'histoire commence. L'homme, très réglo, et quelque peu esbaudi par cette aventure, part consulter le cadastre, avec une inquiétude teintée d'un rêve de gosse. Deviens-je fou ? Vais-je trouver un trésor ? Autant de questions s'entrechoquent fébrilement dans son esprit d'adulte raisonnable. Diantre. Le cadastre est formel : l'immeuble s'arrête après la chambre maritale. Il retourne chez lui. Son oreille ne le trompe pourtant pas (et l'homme est musicien, c'est dire s'il a confiance en son ouïe) : le son est définitivement creux. En avoir le coeur net. Pour cela, percer un trou. Il fait sombre, par ce petit orifice. Un rais de lumière, guère plus. Un léger souffle. Une pièce. Une pièce en plus. Une pièce secrète, celle des imaginations enfantines, le passage mystérieux, le livre de la bibliothèque qui dégage un escalier dans le château. Une pièce en plus, celle dont rêve tous les parisiens, celle dont n'osent plus rêver les parisiens, d'ailleurs. Une pièce sans belle au bois dormant, mais à l'abri des impôts locaux. Comme quoi, les parisiens sont de grands enfants. Enfin, presque.

Notez que ce récit est entièrement construit à base de faits réels et de produits issus de l'agriculture biologique.

Et la photo, qui n'a rien à voir avec le sujet (ah ?!) c'est encore une photo "ce week-end, j'étais là". La Normandie le dispute plutôt bien à la Bretagne, dans le genre. D'abord, les mouettes ont vachement plus de standing, et je ne connais pas grand monde qui me contredira sur ce point (en fait j'ose espérer que personne n'a franchement envie de rentrer dans le débat). Nous fêtions à coups de bières de haute voltige et de tartes splendides et de vieux rock les 25 ans de la cigogne, et ça c'est un événement avec des vrais accents, parce que si personne n'avait inventé la cigogne, l'Alsace aurait été nettement moins funky.

Et en parlant de pièce, courez voir L'école des femmes au théâtre de la Madeleine, parce que dans le genre "je reste sur le cul", ça se pose là. Encore bluffée par la capacité d'un homme à écrire des phrases aussi pleines de surprises, de piques, de virevoltes, de fraîcheur. Si Monsieur Molière était encore là, je me demande quel écrit il nous sortirait à propos de la malheureusement probable loi sur l'immigration sélective qu'on nous mijote en hauts lieux.

Sinon, mea culpa, j'ai aujourd'hui été la créatrice d'une phrase improbable : "Il faudrait staraquiser l'univers graphique de Tomb Raider en fait là". On est vraiment capable de tout, et de n'importe quoi, en se forçant un peu. Le plus tragique est que j'étais complètement sérieuse. Arf.

- Tu fais quoi maintenant ?
- Là, je vais chez le psy.
- Excellent ! Je peux venir avec toi ?!
- ... ???
- Nan ?
- Euh... Chez le psy... avec moi ?
- Ahhhh merde, j'avais compris "piscine" !

5 Comments:

Blogger The Spooner said...

Alors voilà qu'on se retrouve maintenant avec un compteur ici!!! non mais qu'est-ce que c'est que ce truc!!!???

Je m'offusque, je me lève et je te bouscule, peuple pour une fois réveille-toi contrairement à d'habitude évidemment et fais entendre ta voix contre cette oppression systématique, et peut-être même systémique, à étudier!! AAAAHHHHHHHHHH oui alors que faut-il faire contre un compteur, comment le combattre, comment le vaincre et défier après le nombre implacable qui s'affiche devant mes yeux.

Déjà pour contextualiser le phénomène qui me pousse à voler en éclat cette terrible machination contre ma terrible d'aller et venir, contre un flicage permanent, contre une dérive de ce lieu de non-droit, de cet horizon de liberté qui se referme sur moi. Je suis venu tout à l'heure et j'étais le 000007. Je me suis dit "tiens un post sur James Bond mais il y a un bug, je le vois pas". Bon je clique dessus et je tombre sur une pub pour le compteur... je sens alors le sol se dérober, mon écran se dématérialiser, mes doigts se raidir, mes yeux tourner, ma tête exploser: "je suis fait, big brother m'a retrouvé".
Enfin je reviens avec un autre navigateur pour voir si le bug est toujours là... mais non il est pas parti, il est resté et il a changé de chiffre... un compteur...
Alors non non non, je vais élaborer une technique subtile pour brouiller les pistes et affoler le compteur... hum hum... en me connectant 348 fois par jour. Qu'est-ce que j'ai à gagner dans tout cela? Rien, le plaisir de me battre contre la machine, d'affronter l'inéluctable, de montrer au monde des machines que les humaisn ne sont pas prêts de se laisser enfoncer, de se laisser considérer comme des numéros seulement, et en plsu même pas un numéro à moi comme la sécu, la carte bleue, mon numéro de tel, ma plaque d'immatriculation, mon code chouchou, mon compte en banque suisse, panaméen, luxembourgeois, et tous les pays qui ont la générosité d'accepter de l'argent sale, sympa les gars, spéciale cacedédi. Donc je disais avant de m'égarer que c'est même pas un numéro à moi, il change à chaque fois que je viens. Je veux dire, j'aurais remercié dieu, ses apôtres, ses saints (ne jamais oublier les saints de jésus, ou l'inverse) et l'auteur de ce compteur sui j'avais pu garder le numéro 7 (Canto sans toi je ne serais ni ici, ni ailleurs, ni quelque part). Mais non, pas du tout, je suis revenu donc, et j'avais le numéro 10 (alfredo, edson, ferenc, diego, michel, yazid, george, gaucho, raymond etc etc, et pas toi yohann avec ton 14 tu t'es foutu dedans depuis le début). Trop commun, trop surfait.
Et bientôt ans jamais avoir rien demandé, en étant toujours au top, je vais me retrouver remplaçant! et si je ne suis pas dans les 23, je fais quoi cet été, hein??????? avant j'étais trop jeune, après je serai trop vieux, c'est maintenant ou jamais. ET c'est parti pour être jamais.
Ma vie gachée, ma vie foutue en l'air, ma vie eet par henri cochet (l'éternel troisième mousquetaire, sisi cherchez bien ce n'est pas un jeu de mots pourri bande d'incultes sous-alimentés au tube cathodique distributeur même pas gratuit de pré-maché indigeste dont tout le monde se contente la tête baissée et la bouche ouverte), oui donc ma vie et celle des autres malheureux qui devront porter cette croix terrible d'une déception sans fin sans fond petit patapon!!

Voilà ce que j epouvais dire aujourd'hui, que les lecteurs me pardonnent, mais il fallait le dire.

5:13 PM  
Blogger The Spooner said...

euh il n'y a aucun mot oublié, c'est faux.

5:15 PM  
Anonymous Anonyme said...

Y en a qui prennent le temps d'écrire de sacrés commentaires, au boulot,...et après, on parle de productivité à la française...
Je viens d'écouter Mermet et je me sens toute visée quand il traite de "collaborateurs" tous ces cons de cadres qui restent au boulot jusqu'à des heures stupides. J'en suis arrivée à considérer comme acte de rebellion le fait d'aller sur un blog à 19h. Alors forcément le roman de l'autre spooner me fiche le cafard. IL est vraiment nul mon acte de rebellion. Bon, j'augmente le volume de la radio.

7:02 PM  
Blogger The Spooner said...

c'est cool, le blog me reconnait directement maintenant, plus besoin de me logger comme un vulgat pecum!

au fait je viens d'apprendre que jack bauer devient pretre à la fin de la 5ème saison.

10:18 AM  
Anonymous Anonyme said...

Very pretty design! Keep up the good work. Thanks.
»

1:36 AM  

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